14 dicembre 2024
par Valerie Segond
Rome affiche de grandes ambitions dans le ferroviaire. L’Italie d’aujourd’hui ressemble à la France qui, après la construction du TGV Paris Lyon, commençait à lancer les travaux des autres lignes à grande vitesse pour relier l’ensemble du territoire. Le nouveau directeur général de Ferrovie dello Stato (FS), Stefano Donnarumma, vient d’annoncer dans son plan stratégique de 2025 à 2029 une forte accélération des investissements du groupe dans les dix prochaines années. Après avoir investi 157 milliards d’euros de 1990 à 2016, soit environ 6 milliards par an en moyenne, FS était déjà passé à la vitesse supérieure grâce au plan de relance européen dont il a bénéficié à hauteur de 24,5 milliards.
Aujourd’hui, il s’apprête à donner un grand coup d’accélérateur, visant 100 milliards d’euros d’investissement en cinq ans, soit 20 milliards par an en moyenne. Et le groupe s’engage à maintenir ce rythme jusqu’en 2034. Mais le plan ne sera que très partiellement financé, à hauteur de 14 milliards seulement, par les fonds du plan de relance européen qui doit s’arrêter en juin 2026. L’échéance est si contrainte qu’elle a même poussé la direction à faire le tri dans certains investissements programmés. L’enjeu principal est d’étoffer le réseau à grande vitesse. Le pays dispose actuellement d’une ligne TGV sur l’axe nord-sud très fréquentée reliant Salerne dans le Sud à Turin, en passant par Milan, où ont voyagé 46 millions de personnes en 2023. Le plan confirme la construction de nouvelles lignes de TGV, à hauteur de 60 milliards d’euros, pour relier dans les dix ans les territoires non desservis.
Le plan confirme la construction de nouvelles lignes de TGV, à hauteur de 60 milliards d’euros, pour relier dans les dix ans les territoires non desservis
Parmi celles-ci, il y a des chantiers déjà bien avancés, comme la ligne Naples-Bari (3,2 milliards d’euros) ; celles partant de la Ligurie vers les Alpes dont le Terzo Valico (5,6 milliards) et la ligne Milan-Trieste, qui doit être complétée (pour 5,3 milliards), certains tronçons étant déjà opérationnels. Il est aussi question de prolonger la ligne à haute vitesse entre Naples et Bari sur la dorsale Adriatique, vers Lecce et Taranto dans les Pouilles (3,7 milliards). Et surtout, le plus gros morceau, l’axe Palerme-Catane-Messine (9,7 milliards), qui passera à terme par le pont sur le détroit de Messine qui reliera la Sicile à la péninsule. L’objectif est d’augmenter de 30 % d’ici 2029 le nombre de personnes transportées sur ce réseau rapide.
Outre ces créations de ligne, le groupe prévoit d’investir 50 milliards d’euros d’ici 2029 dans le service et la maintenance des lignes existantes, avec la mise en circulation de 46 nouveaux Frecciarossa 1000, les TGV de Trenitalia, 145 trains régionaux, mais aussi 1 260 bus. Il projette aussi de créer une plateforme multimodale, d’étendre le système de sécurité Ertms de contrôle de circulation des trains à tout le territoire, et d’améliorer le système de planification du trafic pour réduire les trop nombreux retards de trains, qui se chiffrent à 50.000 par an.
Avec cette stratégie d’offre volontariste, y compris à l’international où le groupe est déjà bien implanté, le groupe vise un objectif ambitieux : porter le chiffre d’affaires de 14,8 milliards en 2023 à plus de 20 milliards en 2029. Le résultat devrait être aussi nettement augmenté : de 100 millions en 2023 – et en perte cette année – à 500 millions d’ici 2029. Des bénéfices qui à l’évidence, même s’ils étaient atteints, ne permettront donc pas de dégager suffisamment de ressources pour financer le plan massif d’investissements. Reste en effet 86 milliards à trouver d’ici cinq ans.
La compagnie ne pourra compter sur les seuls deniers publics. Si l’Etat italien et les régions ont beaucoup donné à la société publique – environ 16 milliards d’euros par an entre 1990 et 2016, dont deux tiers pour les dépenses courantes, selon les calculs de l’économiste des transports à l’université de Turin Francesco Ramella -, les contraintes financières de l’État obligent le groupe ferroviaire à trouver d’autres sources de financement. Stefano Donnarumma a annoncé vouloir placer le réseau de grande vitesse, dont la valeur est estimée à 8 milliards d’euros, dans une société dont il ouvrirait le capital à des tiers, avec un rendement du capital investi garanti. « Sans pour autant parler de privatisation », a-t-il précisé. Le projet étant en phase très préliminaire, l’investisseur n’a pas été trouvé. Son idée par ailleurs est de faire rentrer dans cette société des actionnaires publics et italiens, comme le grand fonds d’infrastructures F2I, dont la Caisse des dépôts italienne est actionnaire. L’avantage de cette solution est de sortir la dette du bilan de l’État, sans pour autant perdre l’avantage du financement public. En clair, estime Francesco Ramella, cela signifie que « ce plan d’investissement massif sera financé à plus de 90 % par des transferts publics».